Comment comprendre le projet d’aménagement d’un nouveau site portuaire à Manoka ?

Le Port Autonome de Douala (PAD) a lancé un Appel Public international à Manifestation d’Intérêt (APMI) en faveur des investisseurs nationaux ou étrangers en vue de l’aménagement d’un nouveau site portuaire à Douala 6ème, précisément dans l’île de Manoka. Pouvait-on lire dans les colonnes du journal Eco Matin du 10 novembre 2022. Ce qui nous emmène à nous interroger sur les opportunités d’un tel projet.

Pour répondre à nos questions, la rédaction de Logistique Magazine est allée à la rencontre d’un Expert multi casquettes cumulant plus d’une décennie d’excellence dans le domaine, puisqu’il est en même temps Formateur et Promoteur de Dina Global Logistics Sarl, Monsieur Guillaume DINANGUE.

Voici le contenu de notre entretien :

Comment se porte actuellement le port de Douala-Bonabéri en termes de compétitivité et d’infrastructures ?

D’entrée de jeu, nous vous remercions de nous avoir associé à cette importante réflexion.

Cette question est difficile à répondre car elle referme deux réalités à savoir la compétitivité et les infrastructures, mais dont l’une est tributaire de l’autre. Cela dit, si l’on observe tout ce qui se passe au PAD depuis quelques années avec l’arrivée du nouveau top management et la dynamique de modernisation des infrastructures, on peut dire que le PAD se porte bien. La compétitivité étant adossée sur la notion de concurrence, on ne peut mieux la cerner que si on compare plusieurs entités portuaires. Toutefois, au regard des statistiques affichées en interne notamment le trafic global des marchandises qui est de 12 703 577 tonnes en 2021, la réduction du temps d’attente moyen des navires à la bouée de base passé de 52 heures à 13 heures entre 2016 et 2021, on peut également dire que la performance est bonne et donc le port se porte bien.

Pour terminer, il est important de rappeler la contribution significative du PAD à l’économie locale et nationale. A ce sujet, un rapport présenté il y a quelques semaines montre que la richesse créée par les acteurs directs est passée de 177 à 212, 6 milliards entre 2016 et 2020, pour ne prendre que cet indicateur.

Quelles sont les contraintes d’exploitation actuellement rencontrées par le port de Douala-Bonabéri ?

Les contraintes d’exploitation d’un port de commerce sont presque les mêmes étant donné que les indicateurs de performance définis par la CNUCED sont également les mêmes dans tous les ports, bien que le niveau de développement diffère d’un port à un autre. Elles peuvent être infrastructurelles, superstructurelles et opérationnelles. A ce sujet, les contraintes les plus saisissantes en ce moment sont davantage infrastructurelles. Le port a besoin d’espace pour développer ses activités et s’étendre. C’est d’ailleurs ce qui explique les déguerpissements de certaines populations du domaine portuaire notamment avec le cas du quartier « ESSENGUE ».

Le port de Douala-Bonabéri tel qu’il est actuellement conçu a-t-il atteint sa capacité optimale ? si non, quels sont les freins à l’amélioration de cette capacité ?

Si nous nous souvenons de la congestion portuaire vécue au PAD entre 2013 et 2015, nous comprendrons aisément que ce port a déjà atteint sa capacité initiale telle que prévue lors de sa construction. En 2013 déjà, on a enregistré 10 504 668 tonnes, alors que le port avait été construit pour accueillir un trafic 7 000 000 de tonnes.  

Comprenez-vous l’intérêt actuel du port de Douala-Bonabéri d’étendre son offre infrastructurelle vers l’île de Manoka ?

La construction ainsi que le développement d’un port de commerce exigent des changements et des adaptations compte tenu des évolutions enregistrées notamment avec l’évolution du trafic. 

En ce qui concerne le PAD, nous comprenons parfaitement la nécessité d’extension du port vers l’île de Manoka et soutenons ce projet. C’est d’ailleurs une nécessité vitale pour  la survie du port s’il veut rester compétitif.

Quelle pourra être la particularité du nouveau « port de Manoka » par rapport à l’existant ?

D’entrée de jeu le premier élément intéressant est l’ouverture sur la mer : les études en cours montrent que nous pouvons atteindre des profondeurs de -20 mètres de tirant d’eau, ce qui sur le plan de la compétitivité portuaire est un facteur de premier plan avec la nécessité aujourd’hui d’arrimer les infrastructures portuaires au gigantisme des navires. Bien évidemment, il y a l’espace pour  la construction des superstructures, ce qui va considérablement augmenter la capacité et le potentiel du port de Douala.

Pourquoi le port de Douala Bonabéri a-t-il attendu si longtemps pour s’intéresser à l’ile de Manoka ?

Il est difficile de répondre à cette question quand on ne connaît ni la vision, ni les stratégies de développement du port. Toutefois, il faut reconnaître que lors des échanges avec les cadres du PAD, ce projet ne date pas d’aujourd’hui. C’est juste la matérialisation qui voit le jour, certainement face à la nécessité de juguler les contraintes et surtout le dynamisme du top management actuel.

Quels seront les avantages et les inconvénients pour les populations riveraines, actuellement et une fois que ce « port de Manoka » verra le jour ?

Il est évident que l’arrivée d’un projet dans une localité bouleverse la vie des populations riveraines. Les populations de Manoka vivent essentiellement de la pêche, et dans une certaine mesure des travaux champêtres. A ce titre, ce gigantesque projet portuaire va considérablement changer leurs habitudes. C’est en cela d’ailleurs que les études d’impact environnemental sont menées pour mieux accompagner les populations dans ces changements. Par ailleurs, avec la construction d’un port, on a des emplois directs, indirects et induits. Sur ce plan, les populations vont beaucoup bénéficier, sans oublier la contribution à l’économie locale.

Un classement de la Banque mondiale publié au mois de mai 2022 classait le port d’Owendo au Gabon à la 1ère place dans la CEMAC, devant les ports de Douala et Kribi. Quelle analyse faite-vous de ce classement ?

La banque mondiale et S&P Global Market intelligence placent les ports de Douala et Kribi respectivement 30ème et la 36ème place dans le classement de l’indice de performance des ports à conteneurs en Afrique, avec le port d’Owendo à la 21ème place et 1er en CEMAC.

Ne pouvant avoir plus de détails sur les d’indicateurs pris en compte, nous allons simplement ressortir quelques facteurs qui peuvent expliquer ce succès :

  • Tout d’abord, le port d’Owendo a 11 mètres de tirant d’eau contre 7 mètres pour Douala et 17 mètres pour Kribi ;
  • Le port d’Owendo dispose d’un linéaire de quais de 775 mètres, contre 620 mètres pour Douala et 350 mètres pour Kribi ;
  • Le port d’Owendo selon des récentes statistiques à des cadences de manutention de 40 mouvements par heure, par contre Douala et Kribi connaissent des cadences entre 19 et 30 par heure ;
  • …etc.

Tout ceci mis ensemble pourrait expliquer les prouesses du port d’Owendo, surtout dans sa partie conteneurisée.

Avez-vous un commentaire pour conclure ?

Nous souhaitons vivement que ce projet d’extension voit le jour et surtout que soit associées toutes les forces vives, toutes les compétences à même de le conduire à bon port.

Je vous remercie !

Marco Logistique

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