Comment accroitre la contribution des industries africaines dans le commerce international ?

Tous les 20 novembre, la communauté internationale et plus particulièrement les pays africains célèbrent la journée de l’industrialisation de l’Afrique. Une journée pour inciter les pays à s’engager davantage dans le processus industriel, pour susciter une prise de conscience au niveau mondial et mobiliser l’appui international en faveur du développement industriel de l’Afrique.

C’est la raison pour laquelle la rédaction de Logistique Magazine est allée à la rencontre d’une des voies les plus autorisées du domaine industriel en Afrique, Directeur Général de la Société Africaine de Distribution Sucrière (SADISUC), Monsieur IYODI Hiram Samuel.

Cet ingénieur de formation aborde avec nous, les problématiques liées au développement industriel durable et évalue les stratégies pour accroitre la contribution des industries africaines dans le commerce international.

Lisez plutôt… 

Comment définiriez-vous l’industrialisation ?

L’industrialisation peut se définir comme le processus de production de biens à grande échelle et à l’aide d’outils technologiques performants qui ont pour but de favoriser une productivité élevée. L’industrialisation constitue le socle du développement de toute nation, les pays les plus riches sont bien évidemment les plus industrialisés.

Quels sont d’après vous les avantages et les inconvénients de l’industrialisation ?

Il nous apparait important de rappeler d’emblée que la révolution industrielle (18ème – 19ème siècle) a été l’un des évènements majeurs de la civilisation moderne. ​Cette révolution a fondamentalement transformé la société humaine tant sur les plans économiques, sociaux, énergétiques que technologiques. Il serait donc difficile de trouver des inconvénients à l’industrialisation.

Parlant des avantages, l’industrialisation est source de croissance et de valeur ajoutée. En effet, l’industrie crée de la richesse par la production de biens de consommation directe ; elle génère des emplois, accroit les revenus pour les Etats (recettes fiscales) et surtout enrichit ses promoteurs.

Comme inconvénient essentiel, l’on peut principalement relever les risques sécuritaires (sur les personnes et les installations) et de destruction de l’environnement que génère l’activité industrielle et qui sont le plus souvent liés au non-respect des bonnes pratiques HSE.

Quel est le niveau actuel d’industrialisation du continent africain ?

D’après la Banque Africaine de Développement, l’Afrique ne contribue qu’à hauteur de 2% à la production industrielle mondiale, contre près de 45% pour l’Asie (la Chine à elle seule représentant environ 18% de la production manufacturière mondiale).

La valeur ajoutée manufacturière (VAM) est d’environ 300 dollars en moyenne par habitant sur le continent. En comparaison, cette VAM est de 1800 dollars par habitant en Chine, 4900 dollars par habitant au Canada et plus de 8000 dollars par habitant en Allemagne.

La production de richesse générée par l’industrie africaine demeure relativement faible au regard des ressources dont regorge le continent. A défaut de pouvoir transformer ses ressources localement, l’Afrique transfère donc son potentiel de création de richesses vers ses partenaires économiques industrialisés (Chine, UE, USA, etc.).

L’Afrique devrait-elle davantage s’industrialiser ? Et pourquoi ?

L’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants d’ici 2040. La moitié de cette population qui sera âgée de moins de 25 ans interroge par anticipation la capacité de nos économies à nourrir, vêtir, loger, offrir de l’emploi et un accès équitable à l’énergie à tous ces jeunes africains.  Le défi de l’industrialisation de l’Afrique est d’abord une question de survie !

De plus, l’Afrique dispose de plus de 25% des terres arables de la planète (elle génère à peine 9% de la production agricole mondiale) et d’environ 30% des réserves mondiales en pétrole, gaz et minerais (dont 80% du Coltan, 60% du Cobalt, 45% du diamant, 40% de l’Or, etc.). Il est aujourd’hui capital de valoriser ces ressources localement pour contribuer à relever le niveau de vie moyen des africains et renforcer par la même occasion le poids et l’influence du continent dans le commerce mondial. Le défi de l’industrialisation de l’Afrique est donc aussi une question de souveraineté !

La Banque Africaine de développement qui a parfaitement saisit cet enjeu a intégré l’industrialisation parmi les 5 piliers de sa stratégie pour dynamiser la transformation économique du continent.

Dans la même lancée, le Cameroun a récemment actualisé son Plan Directeur d’Industrialisation (PDI) pour faire du pays l’usine de la nouvelle Afrique industrielle à l’horizon 2050.  

Quels sont les principaux problèmes que rencontre l’industrialisation en Afrique ?

En se basant sur notre modeste connaissance de l’écosystème local, nous identifions les principaux freins à l’industrialisation du continent comme suit :

  • La rareté locale des intrants industriels : L’industrie africaine, qu’elle soit alimentaire, manufacturière ou énergétique, importe encore une part importante de ses intrants malgré le niveau de ressources naturelles dont regorge le continent. Cette configuration a pour conséquence de rendre notre secteur secondaire et notre économie en général tributaires des fluctuations des cours internationaux de ces intrants qui sont vitaux pour la production des biens de première nécessité. La récente crise ukrainienne nous enseigne encore à propos…
  • Le déficit énergétique et des infrastructures de transport : L’activité industrielle est énergivore. La grande majorité des pays d’Afrique subsaharienne sont en situation de déficit énergétique. En conséquence, les industries ont recours à des sources alternatives (groupes électrogènes et installations photovoltaïques notamment) qui impactent les coûts de revient et atténuent la compétitivité des produits locaux (Made In Africa).

Ce constat peut également être porté sur les infrastructures de transport, dont la mauvaise qualité accroit les coûts de convoyage des biens des zones de production vers les zones de consommation.

  • La pression fiscale galopante : Le taux global d’imposition des bénéfices des entreprises industrielles en Afrique subsaharienne se situe au-delà de 45%. Ce niveau de pression fiscale asphyxie la capacité des entreprises industrielles à réinvestir leurs bénéfices et donc à se développer. De même, pour plusieurs filières sur le continent, les opérateurs de négoce (commerce général) bénéficient de facilités plus avantageuses (fiscalo-douanières) que les acteurs de l’industrie.  Cette philosophie économique est défavorable à l’émergence de conglomérats industriels en Afrique.
  • La faible disponibilité de la main d’œuvre qualifiée : L’activité industrielle est hautement sensible à la qualité de la prise de décision. Elle exige de ses managers une capacité d’analyse permanente et simultanée de diverses natures de risques (technologiques, sécuritaires, environnementaux, financiers, stratégiques, politiques, etc.). En Afrique francophone, le ratio des profils d’ingénieurs et de techniciens produits par l’enseignement supérieur demeure relativement faible par rapport à ceux issus des filières de sciences politiques et juridiques. Ceci accentue l’insuffisance des qualifications indispensables pour un essor industriel durable.
  • Des modèles organisationnels peu performants : Outre les facteurs précédemment cités, l’industrie africaine fait également face à de gros défis d’optimisation organisationnelle. L’exploitation des unités de transformation sur le continent génère d’importants coûts de non-qualité qui se répercutent sur le niveau de rentabilité de nos industries.

Quelles seraient d’après vous les solutions aux difficultés d’industrialisation de l’Afrique ?

Conséquemment et en cohérence avec les obstacles précédemment identifiés, la principale voie de solution pour booster l’industrialisation de l’Afrique est l’implémentation par nos États de Politiques industrielles strictes qui intègrent :

  • L’optimisation de la gouvernance des ressources naturelles ;
  • Le développement de la production locale des intrants industriels ;
  • Le développement des infrastructures de transport et de production énergétique ;
  • L’allègement de la fiscalité sur les industries ;
  • Le protectionnisme économique dans les secteurs industriels prioritaires ;
  • Le renforcement de la formation et la recherche dans les filières scientifiques et technologiques.

S’agissant particulièrement des entrepreneurs, l’urgence est à la transformation des systèmes de management dans le but de limiter les pertes et d’assurer la compétitivité du tissu industriel local.  

De votre point de vue, quelles sont les activités industrielles vers lesquelles les jeunes Africains doivent s’orienter pour améliorer les conditions de vie sur le continent ?  

Le Plan Directeur de l’Industrialisation au Cameroun a fixé les secteurs clés comme suit :

  • L’agro-industrie ;
  • L’énergie ;
  • Le numérique.

Ces secteurs qui sont en phase avec les 5 piliers de la BAD pour la transformation économique du continent, constituent nécessairement les secteurs d’activité industrielle vers lesquels les entrepreneurs africains devraient prioritairement s’orienter.

Quelles stratégies faut-il mettre en œuvre pour assurer leur plein succès ?

L’interrogation sur les stratégies à mettre en œuvre, à tout le moins du point de vue de la décision publique, rejoint la réponse sur les solutions aux difficultés de l’industrialisation. En somme : élaborer des Politiques industrielles incitatives qui demeurent cohérentes avec la nature des ressources dont regorge chaque pays africain.

Comment trouver des investisseurs et obtenir un financement pour un projet industriel en Afrique ?

La complexité de la structure des coûts et l’étendue des natures de risques inhérents à l’activité industrielle exigent de réaliser des études de faisabilité poussées avant de se lancer dans tout projet de transformation. Outre d’assurer aux promoteurs une connaissance approfondie du marché ciblé, ces études ont également pour but de rassurer les investisseurs sur la pertinence du business model et la capacité de maîtrise des flux générés par l’activité. 

En conséquence, tout projet industriel ayant fait l’objet d’une analyse minutieuse trouvera de l’intérêt tant auprès des banques commerciales que des investisseurs non-bancaires.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Africains qui hésitent encore à développer de petites industries de transformation ?

Il est important de rappeler que la finalité de tout bien produit par une industrie est son achat/utilisation par un consommateur. Il faut donc produire pour vendre ! La maitrise des circuits logistiques d’approvisionnement et de distribution est un facteur clé de succès pour toute activité industrielle. Ainsi, une expérience préalable dans le commerce/distribution est toujours un plus pour tout entrepreneur avec une vocation industrielle. Notre principal conseil aux jeunes professionnels intéressés par le secteur secondaire demeure toutefois d’investir dans des filières industrielles pour lesquelles les intrants peuvent être produits/acquis localement.

C’est d’ailleurs cette philosophie de valorisation de la chaine (alimentaire) locale qui guide la stratégie de développement de la Société Africaine de Distribution Sucrière (SADISUC) que nous avons l’honneur de diriger.

Marco Logistique

Au-delà de l’actu !


Abonnez-vous maintenant pour recevoir gratuitement notre e-book intitulé

"Import -Export de Marchandise"

Vous recevrez en plus tous les derniers articles de notre blog directement dans votre boite email.

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Laisser un commentaire


Warning: Undefined array key "sharing_networks_networks_sorting" in /htdocs/wp-content/plugins/monarch/monarch.php on line 3904

Warning: Trying to access array offset on value of type null in /htdocs/wp-content/plugins/monarch/monarch.php on line 3904

Share This

Share this post with your friends!

× Comment puis-je vous aider ?