Comme chaque année depuis 2002, le monde célèbre le 30 novembre la Journée mondiale des Villes pour la Vie.
Cette célébration est une occasion de rassembler les différents partenaires afin qu’ils partagent leurs expériences et les approches nécessaires pour donner aux gouvernements locaux et régionaux, les moyens de créer des villes plus vertes, plus équitables et durables.
C’est la raison pour laquelle la rédaction de Logistique Magazine est allée à la rencontre d’une spécialiste en Aménagement et Maîtrise d’Ouvrages urbains (AMO) de l’Ecole des Ponts ParisTech, également membre de l’Ordre des Urbanistes du Burkina (OUB).
GAGRE Pengdwendé Aimée Marianne nous livre ainsi son avis depuis le pays des hommes intègres, le Burkina Faso.
1. C’est quoi une ville verte ?
En parlant de ville verte on a tendance à ne voir que le côté nature, végétation avec la création de parcs, d’espaces verts… Certes c’est l’une des composantes, mais pour moi une ville verte c’est la ville qui :
- Sur le plan de l’urbanisme est une ville des courtes distances, une ville de proximité tout en mettant au cœur de tout aménagement la culture et le social ;
- Propose des modes de déplacement « doux » (marche à pied, vélo, trottinette, rollers, skateboard et autres) ;
- Qui préconise des constructions décarbonées en promouvant les matériaux locaux ;
- Fait preuve de sobriété énergétique et qui utilise les énergies renouvelables pour sa consommation ;
- Promeut les économies circulaires (l’économie circulaire consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets).
En sommes, une ville verte est celle qui conjugue plusieurs modes de fonctionnement et de vie, lui permettant d’atteindre les objectifs du développement durables.
2. Quelles sont les erreurs commises lors de la mise en place des villes africaines ?
Comme dans tout projet, l’erreur des villes africaines est de miser sur des infrastructures hors norme. Hors nome dans le sens où, elles visent des aménagements qui la plupart du temps sont coûteux et donc non finançables par les budgets nationaux. Les villes croulent donc sous des dettes interminables pour des infrastructures dans la plupart desquels les premiers usagers à savoir les populations ne se retrouvent pas et ne se les approprient donc pas.
3. Quels sont les principaux enjeux urbains d’aujourd’hui en Afrique ?
Aujourd’hui en Afrique, les principaux enjeux urbains par ordre d’importance sont :
- La gouvernance : le manque de vision à long terme et donc le manque de planification est la cause des maux de nos villes africaines qui sont toujours dans une course pour rattraper les disfonctionnements. Nous pouvons ajouter à cela le problème de macrocéphalie urbaine due à une faible décentralisation des services des villes principales vers les villes secondaires. Ces dernières sont délaissées à elles et le sentiment d’abandon des populations se fait ressentir vis-à-vis des pouvoirs publics ;
- La croissance démographique : au fil des années, la population urbaine s’accroit. Les villes accueillent de plus en plus d’habitants que de services publics que les infrastructures et les équipements existants ne peuvent supporter ;
- L’étalement urbain : cette croissance démographique pousse les populations à aller au-delà des limites administratives des villes pour ne serait-ce que se loger. Cette pratique engendre toujours une extension de ville qui annexent les villages voisins engendrant une dualité de morphologie urbaine et de mode de vie au sein des villes. Des conséquences sont ainsi inévitables telles que les problèmes de mobilité urbaine, d’extension des réseaux de Voirie et Réseau Divers (VRD).
4. Quels sont les principaux problèmes environnementaux rencontrés par les villes africaines ?
Les problèmes environnementaux rencontrés par les villes africaines sont :
- Le dérèglement climatique : cela est perceptible dans l’analyse des températures et précipitations lors des différentes saisons. La saison sèche et chaude est de plus en plus chaude, la saison pluvieuse connait un retard et une baisse des précipitations pour certaines villes et une augmentation des précipitations sur de courtes durées ce qui engendrent des inondations ;
- Le tarissement des cours d’eau : le débit des eaux de surface diminue, les eaux de sources diminuent et l’approvisionnement en eau potable est de plus en plus difficile ;
- La pollution de l’air : la croissance démographique, l’étalement urbain ont pour corolaire, la prolifération des moyens de déplacement en ville dominé par le mode individuel. Cette pratique entraine l’augmentation de l’émission des gaz à effet de serre engendrant une pollution de l’air. Cette pollution à un impact à la fois sur la santé des populations que sur le réchauffement climatique.
5. Quel est l’intérêt de verdir les villes ? Pourquoi ramener la nature en ville ?
Dans une période où le réchauffement climatique se fait ressentir de plus en plus, il est évident que le retour de la nature dans des villes est plus qu’urgent. Verdir les villes c’est créer des microclimats qui permettraient de lutter contre les ilots de chaleurs urbains.
Nous pouvons également ajouter à cela la perte des terres agricoles au profit de l’urbanisation. En effet, en prenant l’exemple des villes comme Ouagadougou, le besoin se fait de plus en plus ressentir. La ville ne dispose plus que de 6% de sa superficie comme marge de manœuvre pour l’urbanisation, quoiqu’il s’y trouve les nombreux cours d’eau de la ville. De 2012 à aujourd’hui, près de 40 000 hectares de terres agricoles des communes rurales furent transformées en zone d’habitation. Aujourd’hui, cette activité a conduit les communes appelées « rurales », à perdre leurs caractéristiques premières qu’est l’activité agricole, au profit du caractère urbain. Le retour de l’agriculture urbaine deviendra donc nécessaire.
6. Comment préserver la verdure des villes et les rendre plus écologique face à l’urbanisation ?
Cela doit passer tout d’abord par des projets citoyens. Mettre en place des projets d’aménagement où les bénéficiaires sont les porteurs et même les acteurs du financement. Cela facilite le suivi et l’entretien par la suite car ils se sentent impliqués.
Ensuite, privilégier l’utilisation des espèces végétales locales qui supportent mieux les températures et sont à même de mieux tenir dans le temps.
Ensuite, il est plus qu’important de doter les différents espaces verts d’une force juridique, les préservant de tout changement de fonction que celle prévue dans les documents de planification ou d’aménagement.
7. Quels sont les effets négatifs de l’urbanisation sur l’environnement ?
L’urbanisation présente de nombreux effets négatifs sur l’environnement en commençant par la destruction des espaces naturels. L’urbanisation étant donné le processus d’étalement urbain engendre la disparition des espaces naturels au profit des constructions. Cela entraine une artificialisation des sols ayant pour conséquence directe les inondations.
En effet, les sols perdent de leur imperméabilité du manque d’infiltration des eaux lors des pluies. Ces dernières ruissellent donc dans les quartiers d’où le phénomène d’inondation.
La disparition des espaces naturels constituant des microclimats pour la ville, du fait de leur capacité d’absorption des gaz à effet de serre, entraine les ilots de chaleur urbain. Les températures en ville augmentent et la chaleur s’intensifie ce qui jouent sur le réchauffement climatique.
8. Quelles seraient les solutions pour lutter contre la dégradation du cadre de vie des populations des villes africaines ?
Pour lutter contre la dégradation du cadre de vie des populations des villes africaines il faut d’abord passer par ces mêmes populations qui sont souvent les premiers responsables de la situation. Cela devra commencer par des campagnes de sensibilisation et d’apprentissage aux bonnes manières de vie en communauté.
Il faudrait ensuite entreprendre des aménagements simples tels que des jardins familiaux au sein des habitations. Cela impliquerait les populations à l’échelle des ménages dans la gestion de ces espaces.
Et surtout appliquer les sanctions prévues par la loi pour atteinte à l’ordre et à l’utilité publique lorsque cela se présente. En effet, le manque de répression encourage les populations à continuer dans leurs mauvaises habitudes.
9. Comment passer d’un environnement dégradé à une ville verte ?
La première étape est la décision politique. Quand elle est présente et que les règlementations et lois suivent, le processus est facilité. Il faut ensuite identifier les différents domaines d’intervention, les acteurs, les outils. De façon pratique, suivra enfin l’identification des zones à réhabiliter, les superficies et la mise en place de projets urbains.
10. Quels conseils donnez-vous aux dirigeants locaux et régionaux pour la création de villes africaines vertes, plus équitables et durables ?
Aux dirigeants locaux et régionaux pour la création de villes africaines vertes, plus équitables et durables je pourrai conseiller de :
- Aller sur la base d’aménagement d’infrastructures très simples et peu coûteuse ;
- Mener des projets participatifs en impliquant les populations dans tout le processus, de la phase d’idées à la phase de contrôle en passant par le financement. Plus ils seront impliqués, plus ils porteront le projet et se l’approprieront ;
- Prendre des mesures pour lutter contre l’étalement urbain : sensibiliser les populations à accepter l’idée de vivre en appartements qu’en maisons individuelles, financer la construction des immeubles d’habitation avec toutes les commodités qui doivent suivre (parkings, espaces publics, aires de jeux, …etc.) ;
- Financer l’élaboration de documents de planification tels que les schémas directeurs de gestion des déchets, des eaux pluviales, des eaux usées, …etc.
11. Avez-vous un mot pour terminer ?
Déjà vous remercier de m’avoir donnée l’opportunité de m’exprimer sur ce thème.
Et concernant la thématique des villes vertes, villes durables en Afrique, je dirai que contrairement à d’autres continents, les villes africaines disposent de grands potentiels pour la mise en œuvre les villes vertes. En effet, elles présentent un faible taux de densification urbaine. Les villes ne sont pas compactes, les constructions sont peu denses et il existe de nombreuses poches vides constituées par les nombreux terrains non aménagés que nous pouvons observer. Le taux d’artificialisation des terres est ainsi faible. Les villes africaines disposent ainsi d’une bonne marge de manœuvre, aux différents acteurs donc de prendre les dispositions nécessaires pour la mise en œuvre effective des villes vertes/durables.
Marco Logistique
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