Théoriquement en vigueur depuis le 01er janvier 2021, l’intégration continentale africaine est à la traîne. Il est toujours plus difficile d’aller de Douala à Malabo que de Douala à Paris. Le continent africain affiche le plus faible niveau de commerce intrarégional au monde, avec un taux inférieur à 18 % (à rapprocher des taux de l’Amérique latine, de l’Asie et de l’Europe, respectivement de 22 %, 50 % et 70 %) tout comme les monnaies ne sont pas interchangeables. Où en est le panafricanisme prôné par Kwame Nkrumah qui nourrit la littérature subsaharienne. Dans tous les cas, force est de constater que sous sa forme actuelle, le commerce africain est un vrai paradoxe. D’un côté, le continent détient l’une des superficies les plus étendues de la planète derrière le continent asiatique (près de 30 millions de km2), et représente 16 % de la population mondiale. D’un autre côté, elle pèse entre 3 et 5 % du commerce mondial. Au regard de tout ceci, l’Afrique a-t-elle réellement les moyens de ses ambitions pour ce marché libre de plus de 1,2 milliard de consommateurs qui serait le plus grand du monde ? De toutes les façons, un certain nombre de préalables doivent encore être satisfaits.
« Les pays africains doivent relever de multiples défis en recourant à un large éventail de politiques complémentaires aptes à renforcer le lien entre commerce et industrialisation. Il faut également disposer d’un secteur privé national à la fois fort, dynamique et compétitif ; d’une bonne politique de facilitation des affaires et des échanges ; d’un environnement des affaires attractif et capable de propulser les activités économiques ; d’infrastructures adaptées et modernes sans oublier des politiques efficaces et inclusives en faveur de l’entreprenariat », a précisé l’économiste Malick Diallo, chef de la Direction du commerce extérieur (DCE) du Sénégal à l’Agence Anadolu.
1. Désenclaver le continent et lever les barrières non tarifaires
L’Afrique ne gère pas encore des pans entiers de sa logistique notamment le transport multimodal. Et pourtant, relever le défi logistique c’est d’abord résoudre les équations infrastructurelles du continent, encore marquées par un enclavement des zones de production. Les États ont donc la responsabilité de désenclaver le continent pour créer les conditions d’une activité économique fluide. Ceci implique naturellement de lever également les barrières non tarifaires (corruption, contrôles intempestifs sur les corridors et aux frontières) ainsi que les lourdeurs administratives qui entrainent de longs délais de passage aux frontières. Une harmonisation des règles d’acheminement, de conditionnement, des délais et procédures de dédouanement, la mise en place d’instance de contrôle et de règlements des litiges, …etc. est donc nécessaire. Chacun devrait désormais penser « Afrique » et ne plus se focaliser sur ses seuls intérêts nationaux.
2. Ajuster les politiques économiques, sociales et environnementales
L’Afrique pourrait s’inspirer de l’Asie. Par exemple, en quarante ans de son implication dans le commerce international, la Chine a sorti de la pauvreté près de 700 millions de ruraux : le taux de pauvreté du pays y est passé de 97 % en 1978 à près de 3 % en 2018. L’Afrique n’y parviendra que si elle cible les segments prioritaires de son commerce intracontinental. Les pays devront encourager les entreprises à se spécialiser dans des productions à plus forte valeur ajoutée, où elles sont les plus efficaces. Car les industries locales qui ne pourront pas faire face à la forte concurrence internationale seront appelées à disparaitre ; seules les industries les plus compétitives subsisteront. Par ailleurs, La mise en œuvre de la ZLECAf va entrainer le développement des activités économiques existantes, tout comme la création de toutes nouvelles activités. Cela aura pour conséquence l’élargissement de l’assiette fiscale, avec un risque de pression sur les entreprises qu’il faut intégrer à priori.
3. L’harmonisation des accords régionaux existants sur le continent
L’agenda d’intégration régionale ayant été lancé il y a presque trente ans, les pays de l’Union africaine adhèrent aujourd’hui à pas moins de huit Communautés Economiques Régionales (CER) qui ont déjà permis à des groupes d’Etats de vivre des situations de quasi-zone de libre-échange. Il faudrait donc que les CER harmonisent leurs règles de fonctionnement pour être au maximum en cohérence avec celles de la ZLECAf. Cela nécessite une coordination et une entente politique entre Etats.
4. Prévoir un mécanisme de compensation pour les perdants
Comme toute zone de libre-échange, la mise en place de la ZLECAf fera certainement des gagnants et des perdants au sein de chaque pays et entre les différents États membres (voir les inconvénients du libre-échange). Un mécanisme de compensation est prévu, mais rien n’est encore élaboré. Nul doute que de la mise en place effective de cet accord dépendra la satisfaction des États membres vis-à-vis de ce mécanisme. Le secrétariat de la ZLECAf anticipe déjà de proposer de l’assistance auprès de chaque État membre pour établir des politiques d’accompagnement, afin d’offrir des compensations à ceux qui bénéficieront le moins économiquement de cet accord. Cela sera nécessaire afin d’éviter des blocages des pays signataires.
5. Réduire le coût de la convertibilité des devises
Nous avons plusieurs monnaies en circulation Afrique, qui ne sont pas toujours convertibles. Et lorsque c’est le cas, le coût annuel de la convertibilité des devises est estimé à environ 5 milliards de dollars. A défaut d’avoir une monnaie unique qui permettrait d’éliminer ce coût, nous devons le réduire, car il limite la compétitivité de nos PME et rend le commerce coûteux et inaccessible pour de nombreux jeunes entrepreneurs du continent.
6. Tirer le meilleur profit des ressources naturelles
L’Afrique a des avantages dont elle ne tire aucun bénéfice. Richement dotée en ressources naturelles non carbonées, son rôle dans la transition vers une économie verte mondiale pourrait être une opportunité. Mais en raison des rapports de puissance géopolitiques qui lui sont défavorables, elle brade ses rares terres dans l’exportation à des pays tiers, alors qu’elle pourrait devenir un exportateur de produits finis utilisés ailleurs dans le monde dans la nouvelle économie. En outre, la surexploitation de certaines terres agricoles et ressources forestières met en danger la préservation de nos écosystèmes naturels. Au moment où les réserves mondiales en céréales ne cessent de diminuer et que la sécurité alimentaire est un enjeu mondial, le continent compte de nombreuses terres arables non exploitées. L’Afrique pourrait ainsi devenir le grenier à grains du monde et faire de l’agriculture le fer de lance de ses exportations. Mais une partie de ces terres est achetée en masse par de nouvelles puissances émergentes.
7. Encourager la créativité et les innovations locales
Le continent doit rapidement mettre fin à sa grande dépendance des importations, qu’il s’agisse de produits et services intermédiaires, d’intrants dans la production, de produits manufacturés ou de services en provenance de pays tiers. Pour ce faire, les pays doivent encourager la créativité et les innovations locales en mettant en place des règles d’origine pour promouvoir un minimum de contenu africain dans la valeur ajoutée des produits et des services. Cela nécessitera sans doute une renégociation des accords commerciaux que les pays ont déjà passé avec les autres continents. Les nouveaux interlocuteurs de ces continents seront les représentants de la ZLECAf, non plus ceux des pays ou des autres zones de libre-échange existantes. Cela nécessitera un grand courage politique. Il occasionnera, peut-être des tensions géopolitiques, mais ce sera, sans doute, un prix à payer pour accroître le bien-être des générations présentes et futures. C’est en tout cas ce que nous suggère la théorie de la croissance en vol d’oies sauvages de l’économiste japonais Akamatsu.
8. L’investissement dans des techniques modernes de production
9. L’harmonisation des normes de qualité
10. L’harmonisation des règles d’origine
11. Garantir la paix et la stabilité
Le chemin pour la réussite de la ZLECAf sera sans doute long, impliquant plusieurs générations. Les aspirations énoncées et les ambitions suscitées par la ZLECAf ne peuvent se concrétiser sans une vraie transformation structurelle et inclusive des économies africaines. Il faudra des réformes profondes et des mesures d’accompagnement afin de pouvoir relever sereinement les défis qui s’opposent et s’opposeront encore aux perspectives heureuses de la mise en place de la ZELECAf pour le continent africain, qui ne détient qu’une portion congrue du commerce mondial. Le principal point positif est que la génération actuelle des chefs d’État et de gouvernements ait ouvert une voie, tracé un chemin, donné un cap. Pour le maintenir, ils devront désormais convaincre les populations de ce que la ZLECAf figure parmi les biens communs au sens où le définissait le philosophe John Rawls, c’est-à-dire un acquis que toutes les générations à venir devront défendre coûte que coûte au nom du bien-être de tous.
Marco Logistique
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